Recension de Florence Daury

Depuis quelques années, la politique du personnel traditionnelle s’est muée en un organe stratégique de plus en plus essentiel à l’entreprise, qu’elle soit privée ou publique. Aujourd’hui, une bonne gestion des ressources humaines doit assurer la pérennité de l’organisation mais aussi, objectif suprême loué par tous les spécialistes en ce domaine, le bonheur de ses travailleurs. « Les entreprises qui rendent leurs employés heureux sont celles qui attireront les meilleurs talents ». [1] Aux antipodes de la multiplication des contrats de travail « atypiques » (autres qu’un CDI), l’objectif d’une GRH efficace est de mettre la bonne personne à la bonne place et surtout, de la garder, en pratiquant une politique de rétention de son personnel qui se consacre au développement de chaque individu. Cette fidélité à l’organisation assure une faible rotation de l’emploi en son sein et contribue à améliorer l’image de l’entreprise. Son image, sa réputation ont acquis également une importance capitale aux yeux de ses membres et à ceux de ses clients/administrés. Voici donc rapidement planté le décor de notre monde du travail moderne.

Et de décor, justement, Marc Van Hemelrijck, patron du Selor [2], en parle bien dans Les RH en scène. Comment recruter et sélectionner les candidats star. Davantage manuel pratique qu’ouvrage de réflexion, le livre nous emmène dans une métaphore du cinéma en décrivant tous les stades de l’embauche comme on réaliserait un film, depuis le casting jusqu’à la nomination aux Oscars. Tout commence donc avec la construction du personnage ou, dit plus banalement, la définition du candidat idéal. « Il ne serait pas judicieux de mettre l’accent uniquement sur les diplômes. Les compétences doivent être au cœur du processus », explique l’auteur. Face à un monde du travail métamorphosé par les évolutions technologique, économique et sociale, face aux attentes nouvelles des travailleurs, l’entreprise doit améliorer sa recherche de personnel, de talents comme il est d’usage de le dire actuellement, en envisageant des alternatives à l’incontournable diplôme, du moins quand les compétences et/ou l’expérience peuvent le remplacer. Pour ce faire, chaque organisation peut développer à sa mesure un modèle de compétences, c’est-à -dire un outil qui lui permettra de définir le plus finement possible le profil dont elle a besoin et qui lui évitera le « mauvais casting ». A travers un cas pratique – qui est présenté à chaque chapitre – les éléments nécessaires à l’élaboration de ce modèle sont détaillés dans l’ouvrage, en particulier le modèle « 5+1 » de Hudson adopté par l’Administration fédérale belge. Conçu par le cabinet de recrutement Hudson, ce modèle « 5+1 » prend en compte cinq groupes de compétences comportementales (gestion de l’information, gestion des tâches, gestion des collaborateurs, gestion des relations, gestion de son fonctionnement personnel) et le « 1 » fait référence à un groupe de compétences techniques (connaissances bureautiques, aptitude technique, capacité à entretenir des machines, etc.). Le modèle a pour avantage de prendre en compte les compétences dans toute leur complexité et de classer ces compétences par ordre d’importance par rapport à la fonction à pourvoir. Chaque organisation a donc la possibilité d’adapter le modèle à ses exigences propres.

Confrontées au problème des métiers en pénurie, les entreprises doivent rivaliser entre elles pour attirer les meilleurs candidats. L’auteur profère, sur cette question de place à occuper sur le marché de l’emploi, quelques évidences comme l’importance d’être présent sur Internet, la prise en compte de la génération Y ou le choix correct des canaux de diffusion en fonction du groupe à cibler.

Au stade de l’analyse du CV, l’auteur privilégie le formulaire de candidature standardisé qui fait gagner du temps lors de la pré-sélection. Quelques exemples de formulaires d’évaluation sont donnés afin de comparer les CV aux exigences de la fonction.

La question de l’interview est, quant à elle, examinée de façon très complète et précise. Le chapitre définit avec finesse plusieurs types de motivation et comment l’évaluer. La méthode d’interview appliquée et promue par Marc Van Hemelrijck est la méthode STAR (Situation, Tâche, Action, Résultat). Les questions posées sont en rapport avec des situations professionnelles concrètes, afin d’évaluer le comportement humain en fonction de sa personne, son environnement et l’interaction entre ces deux variables. Des exemples de questions pertinentes, des conseils pour mieux conduire l’interview, ainsi que des avis et des principes sur l’évaluation des compétences sont apportés au lecteur.

Autre point abordé, les tests informatisés dont les entreprises font de plus en plus l’usage. Vu le coût de leur élaboration, il arrive souvent que ces tests soient développés en externe ou qu’il s’agisse de tests déjà utilisés par d’autres organisations. Dans tous les cas, il est bien sûr primordial de pouvoir juger de la qualité de ces tests, en fonction de critères délivrés dans l’ouvrage. Un bon test doit présenter les six caractéristiques suivantes : il doit être efficace, standardisé, objectif, normé, fidèle (stable dans le temps) et valide. Cette validité recouvre une importance particulière car elle mesure la corrélation entre le résultat d’un test et la performance professionnelle que le test cherche à prédire. L’ouvrage explique plus largement comment mesurer cette validité.

L’auteur présente également plusieurs modèles d’analyse de personnalité. Enfin, il décrit la méthode de l’Assessment Center que l’auteur définit ainsi : « Un assessment center est un processus d’évaluation dans le cadre duquel un individu ou un groupe d’individus est évalué par plusieurs (assesseurs) qui appliquent à cette fin une série intégrée de techniques. Les simulations, l’observation du comportement formant à cet égard la base de l’évaluation, représentent un élément essentiel des techniques appliquées. Les résultats d’un assessment center permettent de tirer des conclusions en matière de sélection, de planification de carrière, d’évaluation du potentiel, de la détection des besoins en matière de formation, etc. ». A travers cette définition, on voit non seulement la technicité élevée du processus d’embauche, mais également la responsabilité grandissante de la GRH au fonctionnement de toute organisation.

Concluons avec la particularité, à mon sens, la plus révélatrice de l’esprit de l’ouvrage de Marc Van Hemelrijck : l’utilisation d’un logo « pro-diversity ». Ce logo est présent tout au long des chapitres et les réflexions concernant cette quête de diversité sont reprises en annexe du livre. De précieux conseils vont permettre aux gestionnaires des ressources humaines de considérer les candidats avec équité, de fournir aux personnes avec un trouble, un handicap ou une maladie les informations qui leur permettront de s’autoévaluer face aux exigences, lorsque, par exemple, la fonction présente la nécessité de pouvoir voir, entendre ou se déplacer. Cette attention particulière accordée à la diversité participe à la qualité de l’image et à l’attractivité d’une organisation. Toutefois, l’auteur prévient : « Une diversité de façade a souvent pour conséquence que les personnes des groupes cibles accumulent expériences négatives et frustrations, puis décrochent rapidement ».

Lorsqu’il aborde le sujet des tendances actuelles sur le marché du travail, l’auteur enfonce quelques portes ouvertes : « En temps de crise, la sécurité de l’emploi est importante » est une formule connue qui mériterait quelques nuances ou quelques précisions sur la façon de garantir cette sécurité. Mais le propos n’est pas là . Avec sa bibliographie très vaste, les multiples tableaux qui appuient les méthodes mises en avant, le livre présenté ici s’adresse principalement aux professionnels de la GRH. Il est un compagnon utile et complet pour chaque stade de la sélection et du recrutement des talents au travail. De ce point de vue, il s’agit bien d’un ouvrage de référence.